L’arrivée des IA génératives est une révolution. Pour la première fois, nous pouvons dialoguer avec la machine de manière intuitive, lui décrire nos objectifs et obtenir des résultats souvent bluffants. Vos équipes peuvent désormais utiliser le même outil pour une multitude de tâches, de manière ouverte et créative.
Mais cette flexibilité incroyable est aussi son plus grand danger. Un outil qui peut tout faire peut aussi faire n’importe quoi. Cette imprévisibilité expose vos utilisateurs à des risques émergents et votre produit à des modes d’échec totalement inédits.
Alors, comment reprendre le contrôle sans brider l’innovation ? La réponse ne se trouve pas dans le code, mais dans la stratégie. Il est temps de donner à votre IA une « constitution » : un ensemble de règles fondamentales appelées Politiques de Design d’Interaction.
Pourquoi les anciennes règles du jeu ne suffisent plus
Dans le design d’applications traditionnelles, le parcours utilisateur est souvent linéaire et prévisible. Mais avec une IA générative, nous entrons dans un monde de scénarios ouverts (open-ended). Un utilisateur peut demander tout et son contraire, changer d’avis, ou formuler une requête ambiguë.
Face à cette complexité, il ne suffit plus de définir la stratégie globale de votre produit (confidentialité, sécurité, etc.). Vous avez besoin de garde-fous tactiques, de règles du jeu qui s’appliquent précisément aux moments où l’humain et l’IA interagissent.
Qu’est-ce qu’une « Politique de Design d’Interaction » ?
Imaginez une constitution pour votre IA. C’est un document qui régit l’expérience utilisateur aux points de contact clés avec le système d’IA. En termes simples, cette politique décrit :
Les actions et les tâches acceptables que l’IA peut effectuer.
Les actions et les tâches inacceptables, même si l’utilisateur les demande.
Les risques potentiels liés aux erreurs et le niveau d’incertitude que l’on peut tolérer en toute sécurité.
Le but est de s’assurer que l’expérience produit reste sûre et bénéfique, quels que soient les chemins tortueux empruntés par l’utilisateur. Définir ces politiques n’est pas seulement le travail des ingénieurs. C’est un processus collaboratif qui doit impliquer, au minimum, les équipes UX, Produit et Ingénierie.
Tout commence par les « Moments critiques »
Une politique de design ne s’applique pas partout, mais là où ça compte le plus. La première étape est d’identifier les moments critiques dans le parcours de vos utilisateurs.
Ce sont ces moments charnières où l’utilisateur interagit avec l’IA et se forge son opinion, sa confiance. Un moment critique peut être une tâche à accomplir ou un objectif à atteindre. C’est là que tout se joue. Une bonne expérience renforce la confiance ; une mauvaise la détruit instantanément. Il faut donc prioriser les moments qui peuvent changer radicalement le cours de l’expérience, ou ceux où vous savez que votre modèle d’IA est moins performant.
Mon approche No-Code
Quand je conçois une application IA sur une plateforme comme Bubble, mon premier réflexe n’est pas technique. Je cartographie le parcours utilisateur pour identifier précisément ces moments critiques. Par exemple, pour une application d’aide à la rédaction :
Moment Critique 1 : L’utilisateur demande à l’IA de générer un premier jet d’e-mail.
Moment Critique 2 : L’utilisateur demande de reformuler un passage pour qu’il soit plus « percutant ».
Moment Critique 3 : L’IA propose une tournure de phrase et l’utilisateur doit décider de l’accepter ou de la rejeter.
C’est pour chacun de ces points de contact que nous devrons définir les règles du jeu.
Conclusion
Piloter un produit basé sur une IA générative sans Politiques de Design d’Interaction, c’est comme naviguer en haute mer sans gouvernail. C’est la garantie de dériver au gré des courants, de prendre des risques inutiles et de décevoir vos utilisateurs.
Définir cette « constitution » est l’acte de leadership le plus important pour garantir que votre innovation reste maîtrisée, sûre et alignée avec les besoins de vos clients.
Maintenant que nous savons pourquoi il nous faut une constitution, la question est : comment l’écrire ?
Dans mon prochain article, nous ouvrirons le capot et nous plongerons dans l’anatomie d’une politique de design d’interaction efficace, en explorant les actions acceptables, les lignes rouges à ne pas franchir, et la gestion de la zone grise de l’incertitude.

[…] Dans l’article précédent, nous avons établi qu’une IA générative sans règles est une IA dangereuse. Pour la maîtriser, nous avons besoin d’une « constitution » : une Politique de Design d’Interaction. Elle nous sert de gouvernail dans les eaux tumultueuses de l’imprévisibilité. […]